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Le droit d’enregistrer et de diffuser les conseils municipaux

Lors du dernier conseil municipal de Vallauris Golfe-Juan, Madame SALUCKI, maire de la commune a menacé à demi-mots le conseiller municipal d’opposition Jean-Noël FALCOU de cinq ans d’emprisonnement et de 300’000 euros d’amende.

Depuis quelque temps, en effet, le groupe Ensemble pour Vallauris Golfe-Juan enregistre et diffuse des extraits du conseil municipal sur son blog.

Madame le maire, en ayant visiblement pris la mouche, aurait posé une question à la CNIL qui lui aurait répondu que diffuser un enregistrement est passible de la peine maximale citée plus haut. J’emploie le conditionnel, car malgré la demande faite par Jean-Noël FALCOU, elle ne lui a pas encore fourni sa question et la réponse de la CNIL.

En tout état de cause : Madame SALUCKI se trompe !

Madame SALUCKI se trompe, volontairement ou fortuitement, mais elle se trompe.

Le débat municipal est public ; à cet égard tout ce qui y est dit doit être accessible à l’ensemble des citoyens. Élus ou non-élus, tout le monde a le droit d’enregistrer et de diffuser ces enregistrements. Et la jurisprudence constante le confirme depuis de très nombreuses années.

D’ailleurs, lors de son intervention, Madame SALUCKI fait référence à l’article 226-7 du code pénal, lequel se rapporte à l’atteinte à la vie privée et non à la représentation publique : article 226-7 sur Legifrance.gouv.fr

Question posée au Sénat et à l’Assemblée Nationale en 2008

http://www.senat.fr/questions/base/2008/qSEQ081005849.html et http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-35890QE.htm

M. Jean Louis Masson attire l’attention de Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur le cas où une personne qui assiste à un conseil municipal a décidé soit de réaliser un enregistrement sonore, soit de filmer la séance du conseil municipal. Il lui demande si, compte tenu du caractère public des séances d’un conseil municipal, le maire peut légalement s’opposer à l’enregistrement sonore ou à l’enregistrement vidéo des débats, ainsi qu’à leur diffusion ultérieure sur un site Internet.

La réponse est sans appel

[…] Le principe de publicité des séances posé par l’article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l’assistance à enregistrer les débats et à les diffuser, éventuellement sur un site internet. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à considérer comme illégale l’interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l’enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l’assemblée communale (CAA de Bordeaux, 24 juin 2003 n° 99BX01857 ; CE, 2 octobre 1992, commune de Donneville ; CE, 25 juillet 1980. M. Sandre).

La cour administrative d’appel de Bordeaux en 2003 donnait déjà la même conclusion

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000007500838&fastReqId=1893468481&fastPos=1

Texte intégral

Vu enregistrée à la cour, le 3 août 1999, sous le n° 99BX01857, la requête présentée pour la COMMUNE DE NEUVIC (19160) représentée par son maire en exercice dûment habilité à cet effet ;

La COMMUNE DE NEUVIC demande à la cour d’annuler le jugement du 3 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, à la demande de M. X, annulé la décision du 31 juillet 1995 du maire de la commune lui interdisant d’enregistrer au magnétophone les séances du conseil municipal, et de condamner M. X à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

[…]

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE NEUVIC est rejetée.

[…]

L’association des maires de France, auprès de laquelle notre édile pourrait trouver de l’aide sur de nombreux dossiers, donne les mêmes réponses.

http://www.amrf.fr/Vousaccompagner/Questionsjuridiques/tabid/1241/articleType/ArticleView/articleId/436/Peut-on-realiser-un-enregistrement-audio-ou-video-dune-reunion-dun-Conseil-municipal-.aspx

Peut on réaliser un enregistrement audio ou vidéo d’une réunion d’un Conseil municipal ?

Oui, sous réserve de ne pas perturber la séance. En effet, le principe posé à l’article L2121-18 du Code Général des Collectivités Territoriales est clair : « Les séances des conseils municipaux sont publiques », en dehors du cas particulier des séances tenues à huis clos (auxquelles le public n’est pas autorisé à assister). Par voie de conséquence, la loi admet que ces séances puissent « être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle », aussi bien à l’initiative d’un membre de l’assistance que d’un conseiller municipal.

[…]

C’est ce que l’on a pu constater dans un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, en date du 24 juin 2003. En l’espèce, le maire avait interdit à l’un de ses administrés d’enregistrer les débats du conseil municipal à l’aide d’un magnétophone, en argumentant qu’au cours des précédentes séances du conseil municipal, ces enregistrements avaient « porté atteinte à la sérénité des débats » et gêné le maire et ses conseillers municipaux.

En effet, on peut tout à fait imaginer que, dans certains cas, l’introduction d’un appareil enregistreur au sein d’une réunion puisse être de nature à limiter la spontanéité des échanges, en rendant la prise de parole peut-être moins aisée. Cependant, la Cour a considéré que, par ses enregistrements, l’administré n’avait pas ici troublé « le bon ordre des travaux » du conseil ; par suite, la décision d’interdiction du maire a donc été jugée illégale.

Il en va de même pour une limitation des enregistrements qui ne serait que partielle, en imposant la nécessité d’obtenir une autorisation préalable. Dans un jugement en date du 5 mai 2008, le tribunal administratif de Nice a eu l’occasion de préciser que « L’enregistrement audiovisuel ne peut pas être soumis à un régime d’autorisation préalable ». La réponse est la même dans le cas où cette autorisation préalable d’enregistrement ne serait pas imposée au public, mais uniquement aux conseillers municipaux.

L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 3 mai 2011 rappelle en effet que « le règlement intérieur de l’assemblée ne saurait (…) soumettre l’utilisation par les conseillers municipaux des moyens d’enregistrement audiovisuel à autorisation préalable alors que ce régime d’autorisation préalable ne résulte d’aucun texte de nature législative ou réglementaire, qu’il aboutit à donner moins de droits aux conseillers municipaux qu’aux membres du public assistant aux séances et que la commune ne fait état d’aucune circonstance particulière qui permette de regarder comme nécessaire une telle mesure ».

[…]

Dernier point enfin, la loi NOTRe vient d’ailleurs de confirmer la publicité nécessaire des débats municipaux en faisant obligation de diffuser sur le site web de la ville les compte rendus des CM dans un délai d’une semaine. Ironie de l’histoire, en début de conseil municipal, Jean-Noël Falcou avait justement proposé à Mme Salucki qu’elle diffuse les enregistrements des conseils municipaux sur le site Internet de la ville :

N’ayant pas obtenu de réponse, Ensemble pour Vallauris Golfe-Juan a décidé de publier sur ce blog les enregistrements des quatre derniers conseils municipaux, dans leur intégralité, n’en déplaise à ceux qui ne souhaitent pas que les habitants de Vallauris Golfe-Juan soient informés comme ils le méritent.

Ces pratiques modernes et transparentes sont en parfait accord avec le droit et avec la conception que nous nous faisons de l’exercice du pouvoir. Informer les habitants, rendre des comptes aux électeurs, assumer ses propos, travailler en transparence et en responsabilité : nous le souhaitons, nous le faisons.

Retrouvez tous les enregistrements audio des conseils municipaux sur notre blog et sur notre chaîne Youtube.

Et pour finir, un jugement du tribunal administratif qui confirme que la déclaration à la CNIL n’est ni requise, ni souhaitable.

Tribunal administratif de Cergy Pontoise, jugement n°1408719, extrait

Tribunal administratif de Cergy Pontoise, jugement n°1408719, extrait